J.O. 189 du 17 août 2006       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis n° 2006-0459 du 25 avril 2006 sur le projet de décret fixant les modalités de mise en oeuvre de la responsabilité des prestataires de services postaux prévue par les articles L. 7 et L. 8 du code des postes et des communications électroniques et déterminant les plafonds d'indemnisation


NOR : ARTJ0600056V



L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes,

Vu le traité de l'Union postale universelle ;

Vu la directive 97/67 /CE du Parlement européen et du Conseil du 15 décembre 1997 concernant les règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l'amélioration de la qualité du service ;

Vu la directive 2002/39 /CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 modifiant la directive 97/67 /CE en ce qui concerne la poursuite de l'ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté ;

Vu le code des postes et des communications électroniques, notamment ses articles L. 36-5, L. 7 et L. 8 ;

Vu la loi no 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et des télécommunications ;

Vu la loi no 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales ;

Vu la demande d'avis du ministre délégué à l'industrie en date du 3 avril 2006 ;

Après en avoir délibéré le 25 avril 2006,


I. - Eléments de contexte


Le passage d'un principe d'irresponsabilité de La Poste à un principe de responsabilité des prestataires de services postaux s'inscrit dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du marché des services postaux telle que prévue par les directives 97/67/CE du 15 décembre 1997 et 2002/39/CE du 10 juin 2002 du Parlement et du Conseil et mise en oeuvre dans la loi no 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales.

Historiquement, en application de l'ancien article L. 8 du code des postes et des télécommunications, la perte, la détérioration et la spoliation des objets recommandés donnaient droit, soit au profit de l'expéditeur, soit, à défaut ou sur demande de celui-ci, au profit du destinataire, à une indemnité dont les montants étaient fixés par le décret no 91-1080 du 17 octobre 1991, lequel décret sera amené à disparaître par la mise en oeuvre du présent projet de décret.

Toutefois, en application de l'ancien article L. 7 du code des postes et des télécommunications, La Poste n'était tenue à aucune indemnité pour perte d'objet de correspondance ordinaire. L'ancien article L. 13 du code des postes et des télécommunications exonérait par ailleurs La Poste de responsabilité en cas de retard dans la distribution.

Il était nécessaire de répondre aux exigences légitimes des utilisateurs en matière de responsabilité des prestataires de services postaux.

En conséquence, l'article 19 de la loi no 2005-516 du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales a introduit aux articles L. 7 et L. 8 du code des postes et des communications électroniques un régime de responsabilité applicable à l'ensemble des prestataires de services postaux.

En application de l'article L. 7 du code des postes et des communications électroniques, la responsabilité des prestataires de services postaux est engagée dans les conditions prévues par les articles 1134 et suivants et 1382 et suivants du code civil « à raison des pertes et avaries survenues lors de la prestation ».

L'article L. 8 du code des postes et des communications électroniques prévoit quant à lui que la responsabilité des prestataires de services postaux est engagée, dans les mêmes conditions, « pour les dommages directs causés par le retard dans la distribution d'un envoi postal (...) si le prestataire a souscrit un engagement portant sur le délai d'acheminement de cet envoi postal ».

Cependant, les articles précités précisent que « cette responsabilité tient compte des caractéristiques des envois et des tarifs d'affranchissement selon des modalités fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine des plafonds d'indemnisation ».

Le projet de décret soumis pour avis à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a pour objectif de fixer ces modalités et de déterminer ces plafonds.


II. - Sur la structure du projet de décret


L'Autorité note que le présent projet de décret est ainsi construit :

- « Section 1 : régime applicable en cas de perte ou d'avarie des envois postaux autres que les colis postaux » ;

- « Section 2 : régime applicable en cas de perte ou d'avarie des colis postaux » ;

- « Section 3 : dispositions générales ».

L'Autorité relève que la responsabilité des prestataires de services postaux en matière de retard ne fait l'objet que d'un seul article au sein de la section 3 relative aux « Dispositions générales », laquelle section précise également le régime applicable aux envois internationaux.

Dans un souci de cohérence avec les articles L. 7 et L. 8 du code des postes et des communications électroniques, l'Autorité estime préférable de consacrer une section spécifique du projet aux dommages directs causés par le retard dans la distribution.


III. - Sur le régime applicable en cas de perte

ou d'avarie des envois postaux

1. Sur la définition de la perte et de l'avarie


D'une part, l'Autorité note que le présent projet de décret ne définit pas les termes : « perte » et « avarie ».

Il apparaît utile de déterminer à partir de quel moment la perte est caractérisée, ainsi qu'à partir de quel degré de dégradation des envois postaux il est possible de parler d'« avarie ».

Par exemple, au Royaume-Uni, les notions de perte et de dommage sont dans l'ensemble clairement définies dans le document Mail Integrity Code (1) rédigé par le régulateur Postcomm. Ainsi la perte est définie dans ce texte comme la perte physique d'un envoi postal qui ne résulte pas d'un vol ou d'une adresse incorrecte après la prise en charge par l'opérateur et avant sa livraison au destinataire. L'objet est considéré comme perdu quinze jours après la date prévue de livraison.

Par ailleurs, le dommage, au Royaume-Uni, désigne tout dommage à un envoi postal après la prise en charge par l'opérateur et avant sa livraison au destinataire (sauf si ce dommage a été causé par un tiers ou de façon accidentelle).

En ce qui concerne le projet de décret, l'Autorité estime excessif le délai de 40 jours, prévu dans les dispositions du projet d'article R. 8, pour appréhender le défaut de réception.

En effet, l'Autorité relève que la norme européenne EN 14012 définit un niveau de retard au-delà duquel les objets non arrivés à destination sont classés dans la catégorie des envois « perdus ou excessivement en retard » en fonction de la norme du service (le tableau suivant représente les délais en jours ouvrables après la date de dépôt au-delà desquels les envois sont considérés comme « perdus ou excessivement en retard »). Elle propose donc de reprendre la norme européenne dans le projet de décret relatif à la responsabilité.

Les niveaux de retard au-delà desquels, pour la norme européenne, les objets non arrivés à destination sont classés dans la catégorie des envois « perdus ou excessivement en retard » sont les suivants (2) :

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JO no 189 du 17/08/2006 texte numéro 97
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2. Sur le régime applicable en cas de perte ou d'avarie

des envois postaux autres que les colis postaux

2.1. Sur le régime applicable en cas de perte ou d'avarie

des envois postaux ordinaires


Le projet d'article R. 8-1 prévoit qu'un envoi postal ordinaire est un envoi ne faisant l'objet, lors de son traitement, d'aucune des formalités telles que prévues aux articles R. 8-2 et R. 8-3 du projet de décret.

Le projet d'article R. 8-1 précise que, pour ces envois postaux ordinaires, l'indemnité en cas de perte ou d'avarie « ne peut dépasser deux fois le tarif d'affranchissement payé par l'expéditeur ».

Par comparaison du plafond prévu dans ce projet de décret avec les dispositions en vigueur en Belgique et au Royaume-Uni, l'Autorité note que le niveau d'indemnisation proposé dans le projet de décret est nettement inférieur au montant qui est en vigueur au Royaume-Uni, mais plus de deux fois supérieur à ce qui est prévu en Belgique. De plus, ces deux pays proposent des exigences en matière de preuve très faibles.

Indemnisation pour perte ou vol d'une lettre prioritaire (avec tarifs et taux de conversion au 18 avril 2006) :

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JO no 189 du 17/08/2006 texte numéro 97
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Par ailleurs, en application de l'article 1315 du code civil : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ». Il reviendra donc à l'utilisateur d'apporter la preuve du dommage et de son imputation au service postal.

Au regard de ces comparaisons et des difficultés du texte relatives à la preuve, il apparaît souhaitable d'élever le niveau d'indemnisation à trois fois le tarif d'affranchissement payé par l'expéditeur.

2.2. Sur le régime applicable en cas de perte ou d'avarie des envois postaux bénéficiant d'une preuve de dépôt et de distribution

Le projet d'article R. 8-3 prévoit que, pour les envois bénéficiant d'une preuve de dépôt et de distribution avec ou sans procédé de suivi, « l'indemnité en cas de perte ou d'avarie ne peut dépasser 16 euros ».

L'Autorité relève que le projet d'article R. 8-7 prévoit que les limitations de responsabilité prévues par les projets d'articles R. 8 et suivants s'appliquent à défaut de stipulations plus favorables prévues par les conditions générales de vente ou par la convention passée entre le prestataire et l'expéditeur.

Dans un souci de protection de l'utilisateur, l'Autorité estime nécessaire de rappeler que l'offre actuelle de La Poste en cas de perte, de détérioration ou de spoliation d'une lettre recommandée est fondée sur les montants des indemnités prévus par le décret no 91-1080 du 17 octobre 1991 modifié (Journal officiel du 19 octobre 1991). Il existe ainsi trois niveaux d'indemnisation (8 EUR, 153 EUR et 458 EUR), correspondant chacun au taux de recommandation de l'envoi : R 1, R 2, R 3. Par défaut, le taux de recommandation retenu est le niveau R 1.

Le plafonnement de l'indemnisation à 16 euros ne doit donc s'appliquer qu'au service de base du recommandé.


3. Sur le régime applicable en cas de perte ou d'avarie

des colis postaux


Le présent projet de décret établit une distinction entre les envois postaux autres que les colis postaux, qui font l'objet d'une section 1, et les colis postaux, traités dans une section 2.

Dans la mesure où les colis postaux sont assimilables dans leur traitement au régime des marchandises, l'Autorité estime pertinent d'établir un régime spécifique pour les colis et de prévoir un plafond d'indemnisation similaire au plafond prévu en matière de transport de marchandises.

L'Autorité relève que ce plafond d'indemnisation est identique à celui prévu en cas de perte et d'avaries des marchandises pour les envois inférieurs à trois tonnes par le décret no 99-269 du 6 avril 1999 modifié portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique (3) (Journal officiel du 11 avril 1999).

Le projet d'article R. 8-4 prévoit que l'indemnité que le prestataire de services postaux est tenu de verser en cas de perte ou d'avarie d'un colis postal ne peut excéder 23 EUR par kilogramme de poids brut de marchandises manquantes ou avariées.

Ces dispositions n'empêcheront pas les contrats commerciaux de prévoir des indemnités plus élevées.


IV. - Sur le régime applicable en cas de retard

dans la distribution

1. Sur la définition du retard


L'Autorité note en premier lieu que le présent projet de décret ne définit pas le terme « retard ».

Au Royaume-Uni, le retard est défini en fonction d'un nombre de jours de délai après la date de distribution théorique. Par exemple, une lettre affranchie au tarif first class, dont la distribution théorique s'effectue en J + 1, est considérée comme en retard à partir du quatrième jour après le dépôt.

Ainsi, l'Autorité propose de s'inspirer des régimes existant dans d'autres pays européens pour élaborer un projet de définition de la notion de retard dans la distribution qu'elle propose en annexe.


2. Sur la notion d'engagement contractuel

portant sur le délai d'acheminement de l'envoi


Tout d'abord, l'Autorité note que le projet d'article R. 8-5 prévoit que le prestataire de services postaux est tenu de verser une indemnité pour le retard dans la distribution d'un envoi postal lorsqu'un « engagement contractuel » portant sur le délai d'acheminement de cet envoi a été souscrit.

L'Autorité attire l'attention sur le caractère restrictif de la notion d'« engagement contractuel », dans la mesure où l'article L. 8 du code des postes et des communications électroniques dispose, quant à lui, que la responsabilité des prestataires est engagée si le prestataire a souscrit un « engagement » portant sur le délai d'acheminement de l'envoi postal.

Le projet de décret est donc plus restrictif que la loi car la notion d'engagement peut s'entendre tant comme un engagement contractuel entre le prestataire postal et l'utilisateur que comme un engagement verbal ou unilatéral du prestataire postal, par exemple vis-à-vis de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Dans ce cadre, rien n'empêcherait de prévoir un délai dit « raisonnable » pour les envois n'ayant pas donné lieu à un engagement contractuel portant sur le délai d'acheminement. A défaut, l'indemnisation ne serait possible que dans le cas où l'utilisateur aurait expressément formalisé un contrat avec le prestataire postal relatif au délai d'acheminement.

Par ailleurs, l'Autorité souligne qu'en application de l'article L. 8 du code des postes et des communications électroniques la responsabilité des prestataires postaux en cas de retard « tient compte des caractéristiques des envois et des tarifs d'affranchissement (...) ».

Toutefois, l'Autorité relève que le projet d'article R. 8-5 prévoit que l'indemnité que le prestataire de services postaux est tenu de verser pour les dommages directs causés par le retard dans la distribution d'un envoi postal « ne peut excéder le montant payé par l'expéditeur ».

La loi obligeant clairement à tenir compte des caractéristiques des envois et des tarifs d'affranchissement, il importe que le projet de décret relatif à la responsabilité des prestataires postaux précise cette obligation. Ainsi, il conviendrait que ce projet de texte mentionne expressément les différents seuils d'indemnisation en fonction des caractéristiques des envois.


V. - Remarques incidentes

1. Sur le régime applicable aux envois internationaux


Le projet d'article R. 8-6 prévoit que le régime de responsabilité pour le service des envois de correspondance à destination ou en provenance de l'étranger, ou en transit, relève des actes pris dans le cadre de l'Union postale universelle.

L'Autorité s'interroge sur la limitation de ce régime de responsabilité aux seuls envois de correspondance, à l'exclusion des colis postaux.

Les documents de l'UPU (Manuel de la poste aux lettres et Manuel des colis postaux) précisent les règles applicables pour les envois internationaux. Ils établissent un régime de responsabilité, d'une part pour les lettres, d'autre part pour les colis.


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JO no 189 du 17/08/2006 texte numéro 97
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L'Autorité suggère d'étendre aux colis le régime applicable aux envois internationaux par une modification du projet d'article R. 8-6 proposée en annexe.


2. Sur les conséquences d'une faute lourde sur les plafonds

d'indemnisation prévus par le projet de décret


L'Autorité note que le présent projet de décret ne contient pas de dispositions relatives aux conséquences d'une faute lourde sur les limitations de responsabilité qu'il prévoit.

L'Autorité estime donc que les plafonds d'indemnisation prévus par le présent projet de décret ne sauraient s'appliquer en cas de faute lourde des prestataires de services postaux.


VI. - Conclusion générale


Sous réserve des remarques énoncées ci-dessus et des modifications rédactionnelles formulées en annexe, l'Autorité émet un avis favorable sur le projet de décret.

Le présent avis et les propositions rédactionnelles annexées seront transmis au ministre délégué à l'industrie et publiés au Journal officiel de la République Française.

Fait à Paris, le 25 avril 2006.



Le président,

P. Champsaur


(1) Disponible à l'adresse suivante :

http://www.postcomm.gov.uk/policy-and-consultations/consultations/mail-integrity-code.html.

(2) Tableau issu du paragraphe 5.3, p. 11, de la NF EN 14012 de décembre 2003.

(3) Annexe 21 du décret no 99-269 du 6 avril 1999 modifié portant application du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises pour lesquels il n'existe pas de contrat type spécifique.






A N N E X E


RELATIVE À L'AVIS N° 2006-0459 SUR LE PROJET DE DÉCRET FIXANT LES MODALITÉS DE MISE EN OEUVRE DE LA RESPONSABILITÉ DES PRESTATAIRES DE SERVICES POSTAUX PRÉVUE PAR LES ARTICLES L. 7 et L. 8 DU CODE DES POSTES ET DES COMMUNICATIONS ÉLECTRONIQUES ET DÉTERMINANT DES PLAFONDS D'INDEMNISATION

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JO no 189 du 17/08/2006 texte numéro 97
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